lundi 10 août 2009

Juste des mots

Aujourd'hui pas d'image. Les travaux en cours n'apportent rien de nouveau. Assemblage des pièces pour monter les couples manquants. Donc juste des mots.
Mais ce blog l'est aussi. Il n'y a ici aucune volonté de montrer une maitrise technique (que je ne détiens pas) ni de faire acte pédagogique. Seulement une porte ouverte sur l'ailleurs comme lorsque je laisse le portail de l'atelier ouvert. Juste pour inviter l'un ou l'autre à entrer. Il n'y a aucune obligation d'achat.

Pourquoi construire un bateau ? Je ne suis pas marin et j'habite loin des voies fluviales. Je ne sais même pas où je "poserai" cet encombrant ouvrage si un jour il prend le chemin des ondes navigables. Pourtant j'envisage d'apprendre à naviguer correctement. Mais là n'est pas la question.

Un bateau c'est, à mon sens, le haut de la pyramide des constructions accessibles à l'individu qui rêve dans son coin et sait bien qu'il sera seul, rigoureusement seul, pour mener à terme le chantier. Sans doute y-a-t-il ici un défi ultime, comme un pied-de-nez au monde qui ne voit que les provisions à mettre à l'abri en vue de la retraite ou qui considère la vie comme un calcul raisonable et raisonné. Ou peut être la volonté de "ne pas se laisser avoir vivant" comme le dit si bien Bernanos. Cette façon de fuir en avant, d'ouvrir un nouveau chemin, parce que celui tout tracé vers la mort anodine et administrativement aseptisée n'est pas à la hauteur de la vision de l'être au monde.

Dans ce monde trés démocratique et largement conditionné par les siècles de métaphysique chrétienne, chaque homme en vaut un autre; tous sont interchangeables parce que tous égaux devant la Loi ou devant le Dieu, unique l'un et l'autre. Celui dont la tête dépasse du rang est au mieux un doux rêveur, au pire un dangereux terroriste. Construire un bateau de ses propres mains, lorsque l'on n'est pas marin, c'est refuser ce monde là. Et même lorsque l'on est marin.

Il faut un peu de courage, accepter le silence qui entoure les rêves éveillés parce que c'est la dure règle du genre (il me semble que de façon générale les "artistes", les humains qui tentent de traduire leur hyper-sensibilité dans un affrontement avec la matière, sont seuls. C'est ainsi depuis que toute expression d'un sacré a été monopolisée par les églises puis liquéfiée dans le monde le consommation), et garder au fond des yeux l'horizon: à chaque pièce assemblée, voir le bateau non seulement se construire mais achevé comme le lieu où attend, sur une autre rive, une bière bien fraîche ou un regard qui aura su lire toutes les runes de cet étrange voyage.

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